Cour du palais

Gisant prostré au centre de la cour, observé depuis les alcôves par des yeux luisants à la lueur des flammes et la menace des lances tendues pointe en avant vers sa pitoyable personne, le conseiller de la cité, constatant apeuré que les soldats de la ville ployaient sous la frappe des Gwegens et Hekets, restait figé devant le triste spectacle du bijou du royaume en proie aux flammes, devant laquelle se dessinait une silhouette sombre dont seule émanait une lueur flamboyante depuis un capuchon immaculé contrastant avec la partie basse des trousses de l'individu maculées de sang. En proie à la terreur face à une telle vision, un coup de pied eut tôt fait de le faire davantage courber l'échine, un filet de sang s'échappant de sa bouche.
"Quel triste, triste spectacle, traître incompétent..."
Brandissant une longue chaîne hérissée de lames éfilées, l'homme la fit tournoyer au-dessus de sa tête rapidement, avant de l'abattre sur la pauvre créature, que son bourreau observait placidement en le voyant ainsi gésir, et pousser un hurlement alors que le fouet au fil tranchant se saisissait de lui par le bras, et plantait ses crocs d'acier dans sa chair.
"Prends note de ce qu'il advient à ceux qui volent un Skarm, immonde... Régale-toi de ma présence, et repends-toi face à la mort vrombissante et destructrice, le faucon des tempêtes aux ailes nimbées de feu..."

Se déclinant sur le paysage en flammes, l'être déambulait face à quelques civils, réunis face à lui alors qu'il exhibait sa morne capture à leurs regards, le sien emplit de fureur.
"Voyez ! Voyez ces traîtres ! Protecteurs du Burdinuis, menteurs, oui ! Triste cadavre, et tous ceux qui se joignirent à toi, qui appuyèrent ton joug, contemplez le veritable Burdinuis, puissant et fier, calcinant les vipères vociferantes dans ce brasier géant. Le feu peut s'apaiser d'une brise, mais les consequences de ce parjure innommable ne le sera jamais ! Citoyens, gardes, ne craignez plus, je suis de retour, après cette éternité loin de vous, mais pour qu'enfin notre monde ressorte de ces limbes, envoyons-y ces traîtres, ce serpent qui tenta de passer le regard du faucon, sous l'égide des gradés de cette soi-disant milice ! Alnar kanja begver !"

Tout en courant, Yria s'arreta contre un mur en entendant des voix. *Serait-ce encore ce traître ? Je vais me faire une joie de le crucifier sur place...* Faisant face, elle resta bouche-bée, comme foudroyée sur place. Ses mains se mirent à trembler, et ses lames percutèrent le sol dans un tintement leger. La jeune femme observait la scène, même si elle n'avait d'yeux que pour l'acteur principal...

Par cinq fois, l'assassin pénétra la poitrine du traître qu'il entravait par la dague qui pendait à son poignet, par cinq fois il perfora les artères menant au coeur de l'homme, donnant à sa mort une sinistre allure sacrificielle face à laquelle le public se garda bien d'élever la voix, par contentement ou reprimande.
"Il est là où le destin l'a mené, perdu à jamais. Liberez-vous de vos peines, alors que celles de votre terre s'évanouit. Sa fin, et celle de ces partisans, lavera le trône de l'infamie qu'ils ont commise. Renaissez, comme je le fis, nous sommes tous le Burdinuis, en pansant cette plaie, nous pouvons lui rendre sa prime force, frères et soeurs."
A ses dernières paroles le ton du spadassin devint moins ferme, presque doux, même si la douceur n'était point dans ses habitudes.

La jeune femme avait les yeux fixés sur le même homme. Elle ne pouvait s'en detacher, ce serait un trop grand supplice. Elle ne savait que faire, et pour la première fois de sa vie, des larmes roulèrent sur ses joues... L'émotion sans doute se disait-elle. Elle l'avait perdu, puis elle l'avait retrouvé... Lui, celui qu'elle n'a jamais autant aimé, celui pour qui elle vivait... Ces émotions en plus, les larmes se firent plus nombreuses, et pour dissimuler cela, elle se baissa enfin, recuperant ses armes en prenant son temps. Peut-etre devrait-elle se resaisir, peut-etre pas...

Abandonnant la dépouille dont vinrent se saisir des sentinelles gwegens escortés par une unité d'Hekets, l'assassin se tourna vers la ville que le feu consumait en partie, et reportant ses bras en arrière, un pâle sourire parcourant son visage, il réflechissait à ce qui se présentait à lui.
*Tant d'opportunités... Bien joué, petit prince...*

Yria avait rattaché ses armes à sa ceinture, puis s'adossa contre un mur, sechant ses larmes qui continuaient de couler plus doucement. *Est-ce vraiment lui ou bien ne se souviens-t-il pas encore de moi ?...* La tueuse ne savait plus quoi penser..

Alors que la jeune femme observait Sorel, son attention fut attirée vers un eclat de lumière. Levant les yeux, elle aperçut alors une silhouette, munit de dagues, du moins c'est ce qu'elle supposait selon la taille de l'éclat. Rapidement, Yria analysa la situation, et lorsqu'elle vit la silhouette fair eun mouvement de poignet, elle se mit à courir vers Sorel, puis se jeta dessus, prenant le petit poignard dans l'épaule. Dans son élan, elle fit tomber Sorel à terre, tandis qu'elle roula sur le côté, puis finit allongée sur le dos. Le poignard avait pénétré un peu plus sa chair lorsqu'elle avait roulé, et Yria fit une grimace lorsqu'elle se l'arracha. Elle se releva, puis lanca le poignard qui fendit l'air, avant d'aller froler la silhouette sur les toits, qui sembla comprendre et qui partit très rapidement. La jeune femme perdit alors son regard froid pour en adopter un plus douloureux. Elle se laissa tomber sur les genoux, plaquant sa main sur sa blessure.
"Je ne me serais pas permis de te reperdre une fois de plus..." fit-elle d'une voix faible.

"Tu apparais à peine à mes yeux que te voici blessée et gisant au sol... Tu devrais songer à perdre ces habitudes, princesse."
S'approchant de la jeune femme, il lui tendit la main, la toisant étrangement de son oeil droit qui ne lui laissait le moindre répit alors qu'un fin sourire traversait la figure sévère de l'assassin.

"Ce coup aurait put t'etre fatal, tandis que moi je m'en remettrais..."
Acceptant son aide, elle mit sa main dans la sienne, et se releva, son autre main toujours sur son épaule. Un mot lui brulait les lèvres, un mot, deux plus exactement, qu'elle n'avait pas dit depuis longtemps, trop longtemps...

"Il aurait pu l'être, tout comme cet amateur aurait put trouver une voie mieux protégée, sur laquelle aucun Gwegen n'aurait été en faction, j'imagine. Mais cela n'a guère d'importance, très chère..."
Observant au loin, par-delà les flammes, la silhouette alors furtive gisant prostrée sous la menace de lances brandies par les créatures reptiliennes, le spadassin porta sa main droite à sa bourse, et en sortit une fine pâte ainsi que quelque ingredients nigromantiques dont il pourrait faire quelque cataplasme à appliquer sur la blessure de la jeune femme.

"Et qu'est-ce qui est important, à tes yeux ?" demanda-t-elle, tout en regardant sa blessure saigner.
Ecartant les doigts, elle les referma vite, le sang s'echappait encore trop vite. *Saleté va... Faut toujours que je sois blessée quand je vois...*

Apposant ses mains sur le visage de la jeune femme, l'assassin, plongeant ses yeux dans les siens, la figure grave sur laquelle un léger sourire tendait à rendre ses traits alors fort rudes agréables, lui répondit d'un murmure qu'il porta à ses oreilles.
"Rendre à ceux qui font ma vie ce qui leur est dû, quoi qu'il m'en coûte, voilà ce qui est important aux yeux d'un fieffé imbecile de ma trempe, princesse aux yeux d'obsidienne."

Yria ne put s'empecher d'esquisser un sourire, puis, n'y tenant plus, elle lacha sa blessure. Passant son bras non-blessé autour du cou de Sorel, elle l'attira vers elle, plaquant ses lèvres sur les siennes, l'embrassant fouguesement. Ce baiser lui fit un grand bien, répendant de la chaleur dans son coeur, ce qu'elle n'avait plus eu depuis longtemps. Séparant enfin ses lèvres de celles de Sorel, elle plaqua sa main droite sur le torse du prince, apposant son front juste au dessus de sa main.
"Tu m'as tellement...tellement manqué..." fit-elle à mi-voix, dans un souffle regorgant d'amour.

Recevant le baiser de la jeune femme, apposant ses mains sur sa taille, l'assassin demeura pensif quelques secondes, portant son regard sur les flammes qui se dessinaient non loin sur une terrasse où des paniers laissés sous la chaleur ardente du Soleil que camouflait quelques nuages s'embrasaient.
"Tu n'a repris d'époux, alors que ma mort semblait avoir été prononcée, bien que ce serpent sénile n'avait attendu cela pour entamer ses actions..."

Yria ne bougea que legerement, relevant juste les yeux, pour les plonger dans le regard de son bien-aimé.
"Je ne voulais d'autre époux que toi... Tu etais, et tu es toujours le seul à posséder mon coeur... Je t'ai toujours été fidèle, et jamais l'idée de choisir un autre époux ne m'a éffrolé l'esprit... C'est toi que j'aime..."
Affichant un sourire très agréable, elle reprit un peu plus bas :
"Oh oui, je t'aime..."

"Plus que ce pays, oui..."
Liberant la jeune femme de son étreinte, le spadassin recula de quelques pas, apposant la main sur le pommeau de l'épée reposant sur son flanc gauche, et déporta son étrange regard vers la ville, où le brasier s'apaisait alors que des Gwegens patrouillaient au loin dans les ruelles à la recherche des miliciens ainsi qu'il l'avait demandé.
"Pff, de l'énergie gâchée pour cela. Enfin je pensais que même ainsi tu pourrais te charger de cette terre, de mon peuple, j'ai eu tort."

Yria fut comme frappée, et resta bouche-bée. Baissant les yeux, elle secoua la tête negativement.
"Oh, je vois... Et bien, tu as tort, surement oui. Je suis une incappable, qui a fait de mon mieux. Maintenant, change de femme si je te deplait tant que ca."
La jeune femme se retourna également, puis se mordant les lèvres, elle se sentit fragile... Les larmes montèrent à ses yeux, et elle se mit à courir, laissant tomber ses armes par terre pour être plus légère. Yria enfouit son visage dans ses mains, traversant la cour sans accorder un seul regard aux créatures qui la devisageait... Elle se dirigea alors vers les jardins...

*Souvent femme varie. Ne t'en préoccupe pas petit prince...*
"Fais silence, vipère. Je sais ce que j'ai à faire. Elle a échoué, si cela la choque tant, c'est qu'elle n'est plus tueuse pour l'heure, si elle est bien celle que j'ai épousé, elle s'en remettra. Elle s'est perdue dans l'amour qu'elle m'a voué, allant jusqu'à se réserver pour l'âme d'un présumé mort en allant à l'encontre des interêts de ce royaume que j'ai tant désiré reconstruire. Elle s'est murée dans la tristesse, s'est affaiblie. Ceux de cette espèce n'ont pas leur place ici... Elle comprendra."
*Si tu le dis...*
Percevant les regards des bêtes postées intriguées à l'entour, surpris par ce monologue dans lequel s'était engagé l'assassin, il suffit à celui-ci de porter sa main au lames fines et éffilées pendant symetriquement à sa ceinture pour qu'à la simple vue des armes de jet qu'il s'appretaît à saisir les esprits trop curieux ne détournent le regard.

Ayant été prevenue de l'arrivée d'une elfe désirant la voir, Yria sembla interessée. Non par la demande de cette elfe, mais plutôt par le rang social de celle-ci. *La jeune reine serait-elle capable de faire une telle idiotie ?...*
Demandant à un soldat de faire venir l'elfe ici même, la tueuse se debarassa de ses armes, sauf de son épée, avec laquelle elle commenca à s'entrainer avec un jeune homme des serpentis, dont elle mesurait les talents.